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LETTRE D'ETIENNE PASCAL AU P. NOËL 263

un commentaire, sans lequel, quoy que françoise de na- tion et d'habillement, elle pouvoit passer par toute la France pour incognita, et aussi mystérieuse que les nom- bres pytagoriciens, qu'un auteur moderne dit estre plains de mystères si cachez, que personne jusques icy n'en a sceu descouvrir le secret.

Si j'osois, mon père, prendre la liberté de parler icy de grammaire, et d'establir quelques principes pour l'an- tithèse, je vous dirois, premièrement, que l'antithèse doibt contenir en soy mesme un sens accomply, comme quand nous disons que servir à Dieu c'est régner; que la pru- dence humaine n'est que folie ; que la mort est le commen- cement de la vie véritable, et mil autres de cette nature. La raison de cecy est que l'antithèse, pour avoir bonne grâce, doibt, par la seule esnonciation de ses termes, des- couvrir non seulement le sens qu'elle contient, mais aussy sa pointe et sa subtilité. Que si l'antithèse est de telle nature que, combien que son sens soit parfaict, il ne soit pourtant pas intelligible universellement à tous, il faut, en ce cas, faire precedder un discours qui en donne l'in- telligence à tout le monde, afin qu'au mesme temps qu'on l'entend prononcer, on en conçoive le sens et la force. C'est avec cette précaution qu'un excellentissime autheur de ce temps en a fait une très belle, en laquelle il a, comme vous, employé le plein et le vuide, en parlant des presb- très. Aprez avoir faict veoir comme ils se dévoient vuider et despouiller de toutes les affections de la terre pour estre remplis de l'abondance de la grâce, il adjouste ensuite que c'est en ce sens qu'un grand sainct a dit : In aposto- lis multum erat pleni, quia multum erat vacui ; mais cette précaution ne peut pas servir pour les tiltres des ouvrages, qui ne sont précédez d'aucun discours. Secondement, je vous dirois qu'il est impossible qu'une antithèse consistant

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