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LETTRE DE PASCAL A M. LE PAILLEUR 209

que le pouvoir avec lequel il dispose de cette matière, tesmoigne assez qu'il en est l'auteur, et partant qu'elle ne subsiste que dans son imagination.

Tous ceux qui combattent la vérité sont sujets à une semblable inconstance de pensées, et ceux qui tombent dans cette variété sont suspects de la con- tredire. Aussy est il estrange de voir, parmi ceux qui soutiennent le plein, le grand nombre d'opinions différentes qui s'entrechoquent : l'un soutient Vœt/ier, et exclut toute autre matière ; l'autre, les esprits de la liqueur, au préjudice de Vœther; l'autre, l'air en- fermé dans les pores des corps, et bannit toute autre chose ; l'autre, de l'air raréfié et vuide de tout autre corps. Enfin il s'en est trouvé qui, n'ayant pas osé y placer l'immensité de Dieu, ont choisy parmi les hommes une personne assez illustre par sa naissance et par son mérite, pour y placer son esprit et le faire remplir toutes choses ' . Ainsy chacun d'eux a tous les autres pour ennemis ; et comme tous conspi- rent à la perte d'un seul, [il succombe] ^ nécessaire- ment. Mais comme ils ne triomphent que les uns des autres, ils sont tous victorieux, sans que^ pas un puisse se prévaloir de sa victoire, parce que tout cet avantage naist de leur propre confusion. De sorte qu'il n'est pas nécessaire de les combattre pour les ruiner, puis qu'il suffit de les abandonner à eux-

��1 . Pascal feint de prendre au pied de la lettre les hyperboles du P. Noël dans la dédicace au prince de Gonti. Vide infra, p. 205.

2. Ms. : ils succombent.

3. Ms. 12988 : personne.

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