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LETTRE DE PASCAL A M. LE PAILLEUR 199

elle est neantmoins plus grande qu'il ne paroist, et voici en quoy.

Dans sa i"^* pensée, la nature abhorroit le vuide, €t en faisoit ressentir l'horreur ; dans la 2*, la nature ne donne aucune marque de l'horreur qu'elle a pour le vuide, et ne fait aucune chose pour l'éviter. Dans la 1"^% il établissoit une adhérence mutuelle à tous les corps de la nature ; dans la 2*, il oste toute cette adhérence et tout ce désir d'union. Dans la i'* il donnoit une faculté attractive à cette matière subtile et à tous les autres corps ; dans la 2* il abolit toute cette attraction active et* passive. Enfin il lui donnoit beaucoup de proprietez dans sa première, dont il la frustre dans la 2^ ; si bien que s'il y a quelques degrez pour tomber dans le néant, elle est maintenant au plus proche, et il semble qu'il n'y ait que quelque reste de préoccupation qui l'empesche de l'y précipiter.

Mais je voudrois bien sçavoir de ce père d'oii luy vient cet ascendant qu'il a sur la nature, et cet em- pire qu'il exerce si absolument sur les éléments qui luy servent avec tant de dépendance, qu'ils changent de proprietez à mesure qu'il change de pensées, et que l'univers accomode ses effets à l'inconstance de ses intentions. Je ne comprends pas quel aveu- glement peutestre à l'épreuve de cette lumière, et comment on peut donner quelque croyance à des choses que l'on fait naistre et que l'on destruit avec une pareille facilité.

I. Première lecture ; [perpétuelle].

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