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par son souci de la rigueur expérimentale, avec Fermat qui fut, au sentiment d’un juge particulièrement autorisé, « le plus grand des mathématiciens que la France a vus naître jusqu’à la fin du XVIIIe siècle[1] ». Dans la religion, il est de cœur avec ceux qui, par delà les abstractions de la théologie scolastique, renouvellent dans leur vie le drame de la Rédemption et luttent pour ramener l’Église catholique à la loi de l’abnégation et de l’ascétisme ; la conversion de Jacqueline lui a montré ce qu’était et ce que faisait le don absolu d’une âme à Dieu. Avec Méré[2] enfin il a compris l’une des créations les plus originales du génie français : la vie sociale devenue l’objet d’un art qui a ses règles et son code, la matière d’une jouissance esthétique, satisfaisant aux exigences les plus profondes comme aux raffinements les plus délicats de la sensibilité. À travers des périodes d’oscillation et de vaines tentatives de conciliation, la triple expérience se poursuit jusqu’au jour du choix définitif. Mais, après ce jour, l’excellence du mathématicien et du « mondain » armera le chrétien pour l’action et la méditation ; elle donnera leur accent et leur profondeur aux Provinciales et aux Pensées.

  1. Moritz Cantor, Origines du calcul infinitésimal, in Bibliothèque du Congrès international de philosophie, t. III, 1901, p. 16.
  2. La connaissance du chevalier de Méré a été renouvelée par des études fines et substantielles que M. Ch. H. Boudhors lui a consacrées dans la Revue d’Histoire Littéraire de la France (janvier, mars, avril-juin 1913, et janvier, mars 1922).