Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/277

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avec le dessein de parler à Madame d’Aiguillon ; mais M. le cardinal s’en alloit, ce qui fut cause que je m’avançay droit à luy, de peur de perdre celte occasion là, en allant faire la révérence à Madame d’Aiguillon ; outre cela, M. de Montdory me pressoit extrêmement d’aller parler à M. le cardinal. J’y allay donc, et luy recitay les vers que je vous envoyé, qu’il receut avec une extrême affection, et des caresses si extraordinaires que cela n’estoit pas imaginable ; car, premièrement, dez qu’il me veit venir à lui, il s’escria : « Voylà la petite Pascal »; puis il m’embrassoit et me baisoit, et, pendant que je disois mes vers, il me tenoit tousjours entre ses bras, et me baisoit à tout moment avec une grande satisfaction; et puis, quand je les eus dits, il me dit : « Allez, je vous accorde tout ce que vous demandez ; escrivez à votre père qu’il revienne en toute seureté. » Là dessus. Madame d’Aiguillon s’approcha, qui dit à M. le cardinal : « Vrayment, Monsieur, il faut que vous fassiez quelque chose pour cet homme là ; j’en ai ouy parler ; c’est un fort honneste homme et fort savant ; c’est dommage qu’il demeure inutile. Il a son fils, qui est fort sçavant en mathématiques, et qui n’a pourtant que quinze ans. » Là dessus M. le cardinal dit encore une fois que je vous mandasse que vous revinssiez en toute seureté. Comme je le vis en si bonne humeur, je luy demanday s’il trouveroi t bon que vous lui fissiez la révérence ; il me dit que vous seriez le bienvenu ; et puis, parmi d’autres discours, il me dit: « Dites à votre père, quand il sera revenu, qu’il me vienne veoir. » Et me répéta cela trois ou quatre fois. Aprez cela, comme madame d’Aiguillon s’en alloit, ma sœur l’alla saluer, à qui elle fit beaucoup de caresses, et luy demanda où estoit mon frère et dit qu’elle eust bien voulu le voir. Gela fut cause que ma sœur le luy