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228 ŒUVRES

qui se passa hier à l'hostel de Riclielieu, où nous repré- sentasmes V Amour tyrannique^ devant M. le cardinal. Je m'en vais vous raconter de point en point tout ce qui s'est passé.

Premièrement, M. de Monldory entretint M. le car- dinal depuis trois heures jusqu'à sept heures, et luy parla presque tousjours de vous, de sa part et non pas de la vostre ; c'est à dire qu'il luy dit qu'il vous cognoissoit, luy parla fort avantageusement de vostre vertu, de vostre science et de vos autres bonnes qualitez. Il parla aussy de cette affaire des rentes, et lui dit que les choses ne s'estoient pas passées comme on avoit faict croire, et que vous vous estiez seulement trouvé une fois chez M. le chancelier, et encore que c'estoit pour apaiser le tumulte; et, pour preuve de cela, il luy conta que vous aviez prié M. Fayet^ d'avertir M..., il luy dit aussi que je luy parle- rois aprez la comédie. Enfin il luy dit tant de choses qu'il obligea M. le cardinal à luy dire : « Je vous promets de luy accorder tout ce qu'elle me demandera. » M. de Montdory dit la mesme chose à Madame d'Aiguillon, la- quelle luy disoit que cela luy faisoit grande pitié et qu'elle y apporteroit tout ce qu'elle pourroit de son coslé. Voilà tout ce qui se passa devant la comédie. Quant à la représentation, M. le cardinal parut y prendre grand j)laisir, mais principalement lorsque je parlois. Il se met- toit à rire, comme aussi tout le monde de la salle.

Dés que la comédie fut jouëe, je descendis du théâtre

��1. Scudéry (1601-1667) avait attaqué, deux ans auparavant, le Cid do Corneille. L'Amour tyrannique, qui avait clé joué pour la pre- mière fois en iG38, fut, comme le Cid l'avait été, dédié à Madame d'Aiguillon.

2. Sans doute le président Fayot, dont la fille avait épousé le pré- fiidonl Barillon. Vide supra, p. 3().

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