qu’il estoit bien raisonnable que, puisque son esprit avoit autresfois travaillé pour le monde, il s’exerçast maintenant à faire quelque chose pour Dieu ; qu’il avoit ouy dire qu’elle faisoit fort bien des vers, et qu’il avoit pensé de luy donner occasion d’en faire pour la gloire de Dieu, en luy traduisant en prose les hymnes de l’Eglise qu’elle mettroit aprez en vers. Elle luy dit simplement qu’elle le vouloit bien. Il luy apporta donc d’abord l’hymne de l’Ascension : Jesu, nostra redemptio, que l’on chante tous les jours à l’Oratoire. Elle le mit en vers[1], qui estoient fort justes et fort bien tournez, sans s’esloigner du sens en aucune sorte. Il trouva cela si beau qu’il l’exhorta à continuer ; mais elle fit reflexion qu’elle avoit entrepris ce travail sans prendre avis, et cela la jeta dans le scrupule. Elle escrivit à la mere Agnès, qui luy fit une belle response, et luy manda entre autres choses : « C’est un talent dont Dieu ne vous demandera point compte : il faut l’ensevelir. » Des qu’elle eut reçu cette response elle me la montra, et pria ce bon Pere de la dispenser d’en faire davantage, sans luy en dire la raison, mais seulement qu’elle ne pouvoit pas continuer cet ouvrage[2], et ainsy se remit à ses exercices ordinaires, gardant toujours exactement sa solitude, sans en sortir que par necessité.
Mais cette retraite n’estoit point oisive ; car outre son office qu’elle disoit regulierement et la lecture où elle s’appliquoit beaucoup, faisant quantité de recueils, elle occupoit le reste de son tems à travailler pour les pauvres. Elle leur faisoit des bas de grosse laine, des camisoles et d’autres petits accommodemens qu’elle portoit elle mesme,