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JACQUELINE PASCAL

faisoit auparavant ; de sorte que quoy qu’elle cachast avec grand soin le dessein qu’elle avoit de se donner à Dieu, on ne laissa pas de s’en apercevoir ; et elle, voyant qu’elle ne pouvoit plus le cacher, elle ne fit plus de difficulté de se retirer peu à peu des compagnies, et elle rompit absolument toutes ses habitudes. Elle eut pour cela une occasion favorable, car mon pere changea de maison en ce tems-là[1] ; elle ne fit aucune connoissance dans ce nouveau quartier, et elle se defit de celles des autres en ne les visitant point. Ainsi elle se trouva dans une liberté tout entiere de vivre dans la solitude et elle trouva cette vie si agreable qu’elle s’accoutuma insensiblement à se retirer mesme de la conversation domestique, de sorte qu’elle demeuroit toute la journée seule dans son cabinet.

On ne sauroit rapporter quels étoient ses exercices dans cette exacte solitude, et tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’on s’apercevoit de jour en jour qu’elle faisoit un progrez admirable dans la vertu. Cependant, quoiqu’elle fust fort genée[2], elle ne laissoit pas d’aller quelquefois à P. R., d’y escrire souvent, et d’en recevoir des lettres, car elle avoit une adresse admirable pour cela[3], et ainsy elle se soutenoit.

Cependant mon pere, qui estoit tres persuadé qu’elle avoit choisy la meilleure part, et qui ne resistoit à son des-

  1. Je pense que c’est à ce moment que la famille Pascal quitta la rue Brisemiche, paroisse Saint-Merry (infra, p. 293), pour la rue de Touraine « es Marais du Temple », paroisse Saint-Jean en Grève (Vide infra, t. II, p. 567).
  2. Victor Cousin donne, d’après le manuscrit 12988, éclairée ; le texte imprimé surveillée ; la leçon transcrite par Faugère d’après le IIe recueil Guerrier nous paraît être la bonne.
  3. Les derniers mots manquent dans Faugère. — Voir la lettre écrite de Port Royal le 4 mars 1649, infra, t. II, p. 387 sqq.