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BIOGRAPHIES

temps, selon sa vigilance ordinaire, mon frere ne perdit aucune des occasions de se confesser encore de nouveau ; mais il ne nous en disoit rien : de peur de nous effrayer. Il fut quelques fois un peu moins mal : il profita de ce temps là pour faire son testament où les pauvres ne furent pas oubliez[1], et il se fit violence de ne pas leur donner davantage. Il me dit que si M. Perier eust été à Paris, et qu’il y eust consenti, il auroit disposé de tout son bien en faveur des pauvres.

Enfin, il n’avoit rien dans le cœur et l’esprit que les

    fort bon, sans aucune alteration ni apparence de fievre, ils assuroient qu’il n’y avoit aucun peril, se servant mesme de ces mots : « Il n’y a pas la moindre ombre de danger. » Nonobstant ces discours, mon frere, voyant que la continuation de ses douleurs sur ses grandes veilles l’affaiblissoit, dez le quatrieme jour de sa colique et avant mesme que d’estre alité, il envoya querir M. le curé, et se confessa. Cela fit bruit parmi ses amis et en obligea plusieurs de le venir voir, tout espouvantez d’apprehension, et les medecins mesmes en furent si surpris, qu’ils ne purent s’empescher de le tesmoigner, disant que c’estoit une marque d’apprehension à quoy ils ne s’attendoient pas de sa part. Mon frere voyant l’emotion que cela avoit causée, en fut fasché et me dit : « J’eusse bien voulu communier ; mais puisque je vois qu’on est si surpris de ma confession, j’aurois peur qu’on ne le fust encore davantage ; c’est pourquoy il vaut mieux differer. » M. le curé ayant esté de cet avis, il ne communia pas. Cependant son mal continuoit ; et comme M. le curé le venoit voir de temps en temps par visite, il ne perdoit pas une de ces occasions sans se confesser, et il n’en disoit rien, de peur d’effrayer le monde, parce que les medecins assuroient tousjours qu’il n’y avoit nul danger en sa maladie. En effet il y eut quelque diminution de ses douleurs, en sorte qu’il se levoit parfois dans sa chambre. Elles ne le quitterent jamais neantmoins tout à fait, et mesme elles revenoient quelquefois, et il maigrissoit aussy beaucoup ; ce qui n’effrayoit point pourtant les medecins ; mais quoy qu’ils pussent dire, il dit tousjours qu’il estoit en danger, et ne manqua pas de se confesser toutes les fois que M. le curé le venoit voir. Il fit mesme son testament, ».

  1. Du trois août avant midi. — Le texte en a été public par Faugère en 1846, en même temps que l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ.