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BIOGRAPHIES

la charité de mon frere en decida bien autrement ; car elle luy fit prendre la resolution de sortir luy mesme de la maison, et de venir dans la mienne. Il estoit desjà fort malade ; mais il disoit qu’il y avoit moins de danger pour luy que pour cet enfant à estre transporté ; et ainsi il falloit que ce fut luy et non pas cet enfant ; et en effet, il se fit transporter chez nous[1].

Cette action de charité avoist esté precedée par le pardon d’une offense dans une partie tres sensible par une personne qui luy avoit de grandes obligations. Mon frere s’en acquitta à son ordinaire non seulement sans le moindre ressentiment, mais avec une douceur accompagnée de toutes les honnestetez qui sont necessaires pour gaigner une personne[2]. Et ce fut sans doute par une pro-

  1. Le 29 juin, ajoute le texte de 1684. — Le testament de Pascal montre que Pascal demeurait alors « hors et fors la porte Saint-Michel, paroisse Saint-Cosme » ; et Florin Perier : « sur le fossé d’entre les portes Saint-Marcel et Saint-Victor, paroisse Saint-Estienne-du-Mont. » Indication d’autant plus précieuse que le P. Rapin dans ses Mémoires (éd. Aubineau, 1865, t. III, p. 187) raconte que les amis de Pascal l’avaient fait transporter pour le soustraire à l’orthodoxie sévère du curé de Saint-Sulpice, et le mettre sous l’autorité du P. Beurier qui sans être janséniste avait de l’indulgence pour les personnes de Port-Royal. La vérité est qu’il y avait eu vers 1616, au moment où l’on commença à construire des maisons sur le remblai hors de la porte Saint-Michel, un conflit entre le curé de Saint-Sulpice et le curé de Saint-Cosme pour l’attribution des nouveaux paroissiens ; mais, on le voit, le procès était terminé en 1662, il n’y a pas lieu d’opposer le texte du P. Rapin au récit de Madame Perier.
  2. Dans le texte de 1684, l’action de Pascal se trouve rapportée dans la peinture générale de son caractère, et en ces termes : « Il a pratiqué cette douceur dans la souffrance des choses desobligeantes jusqu’à la fin ; car peu de temps avant sa mort, ayant esté offensé dans une partie qui luy estoit fort sensible par une personne qui luy avoit de grandes obligations, et ayant en mesme temps reçu un service de cette personne, il l’en remercia avec tant de compliments et de civilitez qu’il en estoit excessif : cependant ce n’estoit pas par oubli,