cette perfection, et que je croiois que je ne pouvois avoir trop de soin d’un frere comme luy qui faisoit le bonheur de la famille, je ne manquois à rien de toutes les applications qu’il falloit pour le servir et luy tesmoigner en tout ce que je pensois mon amitié. Enfin je reconnois que j’y estois attachée, et que je me faisois un merite de m’acquitter de tous les soins que je regardois comme un devoir ; mais il n’en jugeoit pas de mesme, et comme il ne faisoit pas, ce me sembloit, assez de sa part exterieurement pour respondre à mes sentiments, je n’estois point contente, et allois de temps en temps à ma sœur luy ouvrir mon cœur, et peu s’en falloit que je n’en fisse des plaintes. Ma sœur me remettoit le mieux qu’elle pouvoit, en me rappellant les occasions où j’avois eu besoin de mon frere et où il s’estoit appliqué avec tant de soin et d’une maniere si affectionnée que je ne devois avoir nul lieu de douter qu’il ne m’aimast beaucoup. Mais le mystere de cette conduitte de reserve à mon egard ne m’a esté parfaitement [expliqué] que le jour de sa mort, qu’une personne des plus considerables pour la grandeur de son esprit et de sa pieté, avec qui il avoit eu de grandes communications sur la pratique de la vertu, me dit qu’il luy avoit fait tousjours comprendre comme une maxime fondamen-
mes services les plus affectionnez dans ses infirmitez. Ma sœur me disoit sur cela que je me trompois, qu’elle sçavoit au contraire qu’il avoit pour moy une affection aussy grande que je le pouvois souhaiter. C’est ainsi que ma sœur remettoit mon esprit, et je ne tardois gueres à en voir les preuves ; car aussy tost qu’il se presentoit quelque occasion où j’avois besoin du secours de mon frere, il l’embrassoit avec tant de tesmoignages d’affection, que je n’avois pas lieu de douter qu’il ne m’aimast beaucoup ; de sorte que j’attribuois au chagrin de sa maladie les manieres froides dont il recevoit les assiduitez que je luy rendois pour le desennuyer ; et cette enigme ne m’a esté expliquée que le jour mesme de sa mort… » Expliquée manque dans F.