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BLAISE PASCAL

Mais on ne peut mieux connoistre les dispositions particulieres dans lesquelles il souffroit toutes ses nouvelles incommoditez des quatre dernieres années de sa vie, que par cette priere admirable que nous avons apprise de luy et qu’il fit en ce temps là[1] pour demander à Dieu le bon usage des maladies. Car on ne peut douter qu’il avoit dans le cœur toutes ces choses, puis qu’elles estoient dans son esprit, et qu’il ne les a escrittes ainsy que parce qu’il les a pratiquées. Nous pouvons mesme assurer que nous en avons esté tesmoins, et que si personne n’a jamais mieux escrit sur le bon usage des maladies, personne ne l’a jamais mieux pratiqué avec plus d’edification de tous ceux qui le voioient.

Il avoit quelques années auparavant escrit une lettre sur la mort de mon pere[2] en laquelle on voit qu’il comprenoit qu’un chrestien doit regarder cette vie comme un sacrifice et que les accidents differents qui nous surviennent ne doivent faire impression sur nous qu’à proportion qu’ils interrompent ou accomplissent ce sacrifice. C’est pourquoy l’estat mourant où il fut reduit pendant les dernieres années de sa vie estoit un moyen pour l’ac-

  1. Ce témoignage formel de Gilberte Pascal est contredit par l’avertissement de l’édition princeps des Pensées (1670) : « L’on a aussy jugé à propos d’ajouter à la fin de ces pensées une priere que M. Pascal composa estant jeune… » Obligé de choisir entre ces deux versions pour la publication chronologique des écrits de Pascal, il nous a semblé que nous devions préférer la plus directe et la plus explicite, mais sans que la question, en présence de ces deux textes contradictoires, puisse être regardée comme objectivement et définitivement tranchée.
  2. Vide infra, t. II, p. 587, sqq. — Le résumé ne figure pas dans le manuscrit de 1684, ce qui tendrait à établir que ce dernier manuscrit reproduit une rédaction postérieure à la publication des extraits de la Lettre dans l’édition princeps des Pensées (titre XXX), tandis que la rédaction conservée par notre manuscrit serait antérieure à 1670. Voir plus haut p. 49, et aussi p. 74, note 1.