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BIOGRAPHIES

Il est incroyable avec quelle precipitation il a mis cela sur le papier. Car il ne faisoit qu’escrire tant que sa main pouvoit aller, et il eut fait en tres peu de jours[1] ; il n’en tiroit point de copie ; mais il donnoit les feuilles à mesure qu’il les faisoit. On imprimoit aussy une autre chose de luy qu’il donnoit de mesme à mesure qu’il la composoit, et ainsi il fournissoit aux imprimeurs deux differentes choses[2]. Ce n’estoit pas trop pour son esprit ; mais son corps ne put resister, car ce fut ce dernier accablement qui acheva de miner entierement sa santé et qui le reduisit dans cet estat si affligeant que nous avons dit de ne pouvoir avaller.

Mais si ses infirmitez le rendirent incapable de servir les autres, elles ne furent pas inutiles pour luy mesme ; car il les souffroit avec tant de patience qu’il y a sujet de croire, et de se consoler par cette pensée, que Dieu a voulu par là le rendre tel qu’il vouloit pour paroistre devant luy. En effet il ne pensa plus qu’à cela, et ayant tousjours devant les yeux les deux maximes qu’il s’estoit proposées de renoncer à tous les plaisirs et à toutes les superfluitez, il les pratiqua encore avec plus de ferveur, comme s’il eust esté pressé par le poids de la charité qui sentoit qu’il s’approchoit du centre où il devoit jouir du repos eternel.

  1. « Ce fut seulement alors qu’il l’escrivit, mais avec une precipitation estrange en dix huit jours ; car c’estoit à mesure que les imprimeurs travailloient, fournissant à deux en mesme temps, sur deux differents traitez, sans que jamais il en ait eu d’autre copie que celle qui fut faite pour l’impression ; ce qui ne fut que six mois aprez que la chose fut trouvée. » (Texte de 1684.)
  2. Il semble d’après cette rédaction, plus explicite que le texte de 1684, que ce second écrit devait être un des factums que Pascal écrivit au cours de l’année 1658, pour les curés de Paris ou de Normandie.