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BLAISE PASCAL

ture sainte n’estoit pas une science[1] [de l’] esprit, mais du cœur, et qu’elle n’estoit intelligible que pour ceux qui ont le cœur droit, et que tous les autres n’y trouvoient que de l’obscurité, que le voile qui est sur l’Escriture pour les Juifs y est aussi pour les mauvais chrestiens ; et que la charité estoit non seulement l’objet de l’Escriture, mais qu’elle en estoit aussi la porte. Il alloit plus loin, et disoit encore que l’on estoit bien disposé à entendre les Saintes Escritures quand on se haït soy mesme, et qu’on aimoit la vie mortifiée de Jesus Christ. C’estoit dans ces dispositions qu’il lisoit l’Escriture Sainte, et il s’y estoit si fort appliqué qu’il la sçavoit quasy toute par cœur, en sorte qu’on ne pouvoit la luy citer à faux, et il disoit positivement « cela n’est pas de l’Escriture » [ou : « cela en est »[2]] et marquoit precisement l’endroit, et generalement tout ce qui pouvoit servir à luy donner une intelligence parfaitte de toutes les verités tant de la foy que de la morale[3].

Il avoit un tour d’esprit si admirable qu’il embellissoit tout ce qu’il disoit, et quoy qu’il apprist plusieurs choses dans les livres, quand il les avoit digerées à sa maniere, elles paroissoient tout autres, parce qu’il sçavoit tousjours s’enoncer de la maniere qu’il falloit qu’elles le fussent pour entrer dans l’esprit de l’homme.

  1. F. : d’esprit.
  2. Les mots entre crochets manquent dans F ; ils sont nécessaires pour la continuité du sens.
  3. Le texte de 1684 est plus explicite : « Il lisoit aussy tous les commentaires avec grand soin ; car ce respect pour la religion dans lequel il avoit esté eslevé des sa jeunesse estoit alors changé en un amour ardent et sensible pour toutes les veritez de la foy ; soit pour celles qui regardent la soumission de l’esprit, soit pour celles qui regardent la pratique dans le morale, à quoy toute la religion se termine ; et cet amour le portoit à travailler sans cesse à destruire tout ce qui pouvoit s’opposer à ces veritez. »