fit et lors qu’il s’elevoit en luy quelque esprit de vanité, ou qu’il se sentoit touché du plaisir de la conversation, il se donnoit des coups de coude pour redoubler la violence des piqueures, et se faire ensuite ressouvenir de son devoir. Cette pratique luy parut si utile qu’il en usoit aussi pour se precautionner contre l’inapplication où il se vit reduit dans les dernieres années de sa vie. Comme il ne pouvoit dans cet estat ny lire ny escrire, il estoit contraint de demeurer à rien faire et de s’aller promener, sans pouvoir penser à rien qui eust de la suitte. Il apprehendoit avec raison que ce manquement d’occupation, qui est la racine de tout mal ne le destournast de ses veües ; et pour se tenir tousjours averty, il s’estoit comme incorporé cet ennemy volontaire qui, en piquant son corps, excitoit sans cesse son esprit à se tenir dans la ferveur, et luy donnoit ainsi le moyen d’une victoire asseurée, mais tout cela estoit si secret que nous n’en sçavions rien du tout, et nous ne l’avons appris qu’aprez sa mort d’une personne de tres grande vertu qu’il aimoit et à qui il avoit esté obligé de le dire par des raisons qui la regardoient elle mesme.
Tout le temps que la charité ne luy emportoit pas en la maniere que nous venons de dire estoit employé à la priere et à la lecture de l’Escriture sainte. C’estoit comme le centre de son cœur, et où il trouvoit sa joye, et tout le repos de sa retraitte. Il est vray qu’il avoit un don tout particulier pour gouster l’avantage de ces deux occupations si pretieuses et si saintes. On pouvoit mesme dire qu’elles n’estoient point differentes en luy ; car il meditoit l’Escriture en priant. Il disoit souvent que l’Escri-
Nécrologe de 1723 montre les solitaires des Champs « souvent vêtus d’un cilice ou ceints de chaînes de fer » (p. xxxiii). Vide supra, p. 26.