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BIOGRAPHIES

foy ils en connurent le deffaut ; ce qui les obligea d’aller trouver Monsieur l’Archevesque de Roüen à Gaillion, qui, aiant examiné toutes ces choses, les trouva si importantes, qu’il escrivit une Patente à son conseil, et donna un ordre exprez à Monsieur de Belley de faire retracter cet homme sur tous les points dont il estoit accusé, et de ne rien recevoir de luy que par la communication de ceux qui l’avoient denoncé. La chose fut executée et il comparut dans le conseil de Monsieur l’Archevesque, et renoncea à tous ses sentiments : et on put dire que ce fut sincerement ; car il n’a jamais tesmoigné de fiel contre ceux qui luy avoient causé cette affaire : ce qui fait croire qu’il estoit luy mesme trompé par les fausses conclusions qu’il tiroit de ses faux principes. Aussy estoit il bien vray qu’on n’avoit eu en cela aucun dessein de luy nuire, ni d’autres veuës que de le detromper luy mesme et l’empescher de seduire les jeunes gens qui n’eussent pas esté capables de discerner le vray d’avec le faux dans des questions si subtiles. Ainsy cette affaire se termina doucement ; et mon frere continuant de chercher de plus en plus les moyens de plaire à Dieu, cet amour de la perfection s’enflamma de telle sorte des l’âge de vingt quatre ans, qu’il se répandit sur toute la maison ; mon pere mesme, n’ayant pas de honte de se rendre aux enseignements de son fils, embrassa pour lors une maniere de vie plus exacte, et qu’il a toujours perfectionnée par une pratique continuelle des vertus jusqu’à sa mort, qui a esté tout à fait chrestienne ; et ma sœur, qui avoit des talents d’esprit tout extraordinaires et qui estoit des son enfance dans une reputation où peu de filles parviennent dans un âge plus avancé, fut aussi tellement touchée des discours de mon frere qu’elle resolut de renoncer à tous les avantages qu’elle avoit tant aimez jusqu’alors et de se consacrer tout