Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/89

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précède et ce qui suit, ce qui a plus de vitesse ou de lenteur, d’activité ou d’inertie, ce qui imprime le mouvement et ce qui le règle, etc. Toutes différences mal déterminées et même tout à fait négligées dans les sciences reçues, qui sont comme une étoffe grossière tissu par l'inexpérience, car toute action naturelle s’exécutant par parties infiniment petites, ou du moins si petites qu’elles échappent aux sens, en vain se flatterait-on de pouvoir gouverner la nature et transformer le produit de ces opérations avant d’avoir bien saisi et bien marqué toutes ces différences. VII. La recherche et la découverte de la texture cachée des différents corps est un objet tout aussi neuf que la découverte du progrès caché et de la forme. Nous ne sommes encore qu’à l’entrée du sanctuaire de la nature, et nous ne savons pas nous ouvrir un passage pour pénétrer dans l'intérieur ; cependant en vain se flatterait-on de pouvoir, avec succès et à propos, douer d’une nouvelle nature un corps donné ou le transformer en un corps d’une autre espèce, si au préalable on n’a une parfaite connaissance de la manière de transformer ou d’altérer les corps. Autrement on tombera dans des procédés insuffisants, inexacts, ou tout au moins difficiles et nullement appropriés à la nature du corps sur lequel on veut opérer, ainsi il faut encore frayer la route vers ce dernier but. Ce n’est pas sans raison qu’on s’est attaché avec tant d’ardeur et de constance a l’anatomie des corps organiques, tels que ceux de l’homme et des animaux, genre d’observations aussi utiles que délicates, et judicieuse méthode pour approfondir la nature. Cependant, ce genre d’anatomie n’envisage que des objets visibles, sensibles, et n’est applicable qu’aux corps organiques. Enfin, de tels objets sont comme sous la main, une telle étude est bien facile en comparaison de cet autre genre d’anatomie qui a pour objet la texture cachée dans les différents corps qu’on regarde comme similaires, surtout dans les corps d’une espèce déterminée et dans leurs parties, comme dans le fer, la pierre, etc. ; ainsi que dans les parties similaires de la plante ou de l’animal, telles que la racine, la feuille, la fleur, la chair, le sang, les os, etc. On peut dire même que, sur ce dernier point, les hommes n’ont manqué ni d’intelligence ni d’activité, car c’est à ce but même que tend le soin avec lequel les chimistes analysent les corps similaires, par le moyen des distillations et des différents procédés de décomposition, afin que, par la réunion des parties homogènes, l’hétérogénéité du composé devienne plus sensible. Rien de plus nécessaire que de telles analyses, et elles remplissent en partie notre objet. Cependant, trop souvent cette méthode même est trompeuse, car il est