Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne se marient pas toujours aisément ensemble, sinon par les voies ordinaires et fréquentées de la nature. Quoi qu’il en soit, nous devons dire que la manière d’opérer qui envisage les natures simples, même dans un corps concret, procédé d’après la considération de ce qu’il y a d’éternel, d’immuable et d’universel dans la nature, qu’elle agrandit prodigieusement les voies de la puissante lumière, et son avantage à cet égard est si grand, que, dans l’état actuel des sciences, les hommes auraient peine à s’en faire une idée. Le deuxième genre d’axiomes (qui dépend de la découverte du progrès caché, ne procède plus par la considération des natures simples, mais par l’observation des corps concrets et tels qu’ils se trouvent dans la nature abandonnée à son cours ordinaire. Supposons, par exemple, que l’objet de la recherche soit de savoir par quels principes ou premières causes, de quelle manière, par quelle espèce d’action progressive s’opère la génération de l’or, de tout autre métal ou de la pierre, à prendre l’une ou l’autre de ces substances depuis ses premières menstrues ou rudiments jusqu’à l’état de mine parfaite, ou encore par quelle sorte d’action graduelle et continue se forme l’herbe, à partir des premières concrétions des sucs dans le sein de la terre ou de son état de semence jusqu’au moment où la plante est entièrement formée, sans oublier toutes les suites de mouvements, tous les efforts graduels et continus par lesquels la nature conduit son œuvre jusqu’a la fin, il en est de même de la génération des animaux observée et décrite dans la totalité de son cours, depuis l’instant où ils s’accouplent jusqu’à celui où ils mettent bas, et, en un mot, de tous les autres corps. En effet, la recherche dont nous parlons n’a pas simplement pour objet la génération des corps, mais aussi les autres mouvements et les autres opérations de la nature. Par exemple, pour connaître toute cette suite non interrompue d’actions, tout ce progrès caché et continu d’où résulte I'alimentation, à partir du moment ou l’animal reçoit l’aliment jusqu’à celui de la parfaite assimilation, et, de même, s’il s’agit du mouvement volontaire dans les animaux, il faut prendre depuis les impressions reçues par l’imagination et les efforts continus de l’esprit, jusqu’aux mouvements des muscles fléchisseurs ou extenseurs il en faut dire autant du mouvement développé de la langue, des lèvres, et des autres instruments de la parole, jusqu’à l’émission des sons articulés , car ces sortes de recherches se rapportent aussi aux natures concrètes ou combinées ensemble et considérées dans cet état d'agrégation mais alors on les envisage comme des habitudes.