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XIII.-TITHON.

plaisant à raconter leurs prouesses. En quoi, les uns et les autres, ressemblent aux cigales, dont toute la force est dans leur voix.

XIV.— L’amant de Junon, ou la bassesse d’âme.

Les poètes ont feint que Jupiter, pour jouir plus, paisiblement de ses amours, prit une infinité de formes différenres, comme celles de taureau, d’aigle, de cygne, de pluie d’or, mais que, pour solliciter Junon, il prit une forme très ignoble et très ridicule, savoir, celle d’un coucou mouillé par une pluie d’orage, tout tremblant et tout morfondu.

Cette fable, très ingénieuse, pénètre dans les replis les plus profonds du cœur humain; en vojci le sens : Que les hommes ne se flattent pas au point d’imaginer qu’après s’être distingués par mille preuves de talents et de vertus ils seront assurés de l'estime, générale et gagneront tous les cœurs, c’est un double avantage qu’ils n’obtiendrons qu’à raison du tour d’esprit et du caractère des personnes, dont ils rechercheront l'estime et l'affection. S’ils ont affaire à des personnes dépourvues de toutes qualités estimables et qui n’aient, que de l'orgueil joint à beaucoup de malignité (genre de caractère figuré dans cette fable, sous le caractère de Junon), qu’ils, se persuadent bien qu’ils doivent commencer par se dépouiller de tout ce qui peut leur faire honneur et leur donner du relief ; au- trement ils échoueront. Et ce n’est pas assez d’une complaisance outrée; en pareil cas, c’est de la bassesse et de l’abjection qu'il faut.

XV. — Cupidon, ou l’atome.

Ce que les différents poètes ont dit de l’Amour ne peut convenir à un seul personnage (à une seule et même divinité); cependant leurs fictions sur ce sujet ne diffèrent pas tellement les unes des autres qu’on ne puisse, pour éviter tout à la fois la confusion et la duplicité de personnages, rejeter ce qu’elles ont de différent et prendre ce qu’elles ont de commun pour l’attribuer à un seul. Certains poètes, dis-je, prétendent que l’Amour est le plus ancien de tous les dieux, et par conséquent de tous les êtres ; à l’exception du chaos, qui, selon eux, n’est pas moins ancien que lui. Or, les philosophes ou les poètes de la plus haute antiquité ne qualifient jamais le chaos de divinité. La plupart d’entre eux, en parlant de cet Amour si ancien, supposent qu’il n’eut point de père ; quelques'uns l’appellent l’œuf de la Nuit (ovum Noctis). Ce fut lui qui, en fécondant le chaos, engendra tous les dieux et tous les autres êtres. Quant à ses attributs, ils se réduisent à quatre principaux. Ils le supposent : 1° éternellement enfant, 2° aveugle, 3° nu, 4° armé