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Vl — ENDYiMTON.

sance où ils invitent leur maître à se rendre pour se délasser en se mettant à son aise et se déchargeant tout à fait du poids de leur fortune. On doit observer aussi que la plupart de ces favoris insouciants font très-bien leurs affaires et tirent de cette familiarité du prince des avantages très-réels. Il se peut, à la vérité, que leur maître ne les élève point aux grandes dignités ; mais, comme il a pour eux une affection sincère et ne les aime pas seulement en vue de l’utilité et des services qu’il peut tirer d’eux, il verse sur eux une infinité de grâces d’une autre espèce, et par sa munificence il ne tarde pas à les enrichir.

VII — La sœur des géants, ou la Renommée.

Les géants, qui étaient enfants de la Terre, firent la guerre à Jupiter et aux autres dieux, mais ils furent vaincus et écrasés par la foudre. Puis la Terre, irritée par l’effet de la colère même des dieux, et voulant tirer vengeance de la défaite de ses fils, enfanta la Renommée, qui doit en conséquence être regardée comme leur sœur puînée et posthume, suivant cette fiction d’un poète célèbre: « La Terre, irritée par la colère des dieux, l’enfanta, dit-on, après Cée et Encelade. »

Voici quel paraît être le sens de cette fable. La Terre représente la nature séditieuse du vulgaire ou du peuple qui, étant presque toujours mécontent de ceux qui gouvernent, soupire après des innovations. Cette mauvaise disposition, lorsque l’occasion paraît favorable, enfante pour ainsi dire les rebelles et les séditieux qui trament des complots, et se coalisent pour attaquer les souverains et les détrôner. Puis, lorsque le parti insurgé est battu et la révolte étouffée, cette même nature de la populace, qui applaudit en secret aux perturbateurs des États, et qui ne peut endurer le repos, enfante des bruits séditieux, des murmures, des médisances, des plaintes et des libelles qui circulent pour décréditer le gouvernement et le rendre odieux ; en sorte que les discours et les déportements des rebelles semblent être d’une même extraction, d’une même race, et ne différer tout au plus que par le sexe, les actions étant mâles et les paroles femelles.

VIII. — Actéon et Penthée, ou l’homme trop curieux. Cette indiscrète curiosité, qui va épiant les secrets d’autrui, et qui, assez ordinairement, est peu scrupuleuse dans le choix des moyens qu’elle emploie pour les découvrir, est allégoriquement figurée dans deux fables inventées par les anciens, savoir : dans la fable d’Actéon et dans celle de Penthée. Actéon étant survenu par