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ou le dénouement de la vie. » Il est aussi naturel de mourir que de naître, et l’homme naissant souffre peut-être plus que l’homme mourant. Celui qui meurt au milieu d’un grand dessein dont il est profondément occupé ne sent pas plus la mort que le guerrier qui est frappé mortellement dans la chaleur d’un combat. L’avantage propre de tout grand bien auquel on aspire et qui remplit l’âme est d’ôter le sentiment de la douleur et de la mort même. Mais heureux, mille fois heureux celui qui, ayant atteint à un objet vraiment digne de ses espérances et de son attente, peut en mourant chanter comme Siméon : « Nune dimittis, » etc. Un autre avantage de la mort, c’est d’ouvrir au grand homme mourant le temple de mémoire en éteignant tout à fait l’envie. « Ce même homme que tous envient, dit Horace ; sitôt qu’il aura fermé les yeux, tous l’aimeront.


III. — De l’unité du sentiment dans l’Église chrétienne.


La religion étant le principal lien de la société humaine, il est à souhaiter pour cette société que la religion elle-même soit resserrée par l’étroit lien de la véritable unité. Les dimensions et les schismes en matière de religion étaient un fléau inconnu aux païens. La raison de cette différence est que le paganisme était plutôt composé de rites et de cérémonies relatives au culte des dieux que de dogmes positifs et d’une croyance fixe ; car on devine assez ce que pouvait être cette foi des païens dont l’Église n’avait pour docteurs et pour apôtres que des poètes. Mais l’Écriture-Sainte, en parlant des attributs du vrai Dieu, dit de lui que c’est un Dieu jaloux, Aussi son culte ne souffre-t-il ni mélange ni alliage. Nous croyons donc pouvoir nous permettre un petit nombre de réflexions sur cet important sujet de l’unité de l’Église, et nous tâcherons de faire des réponses satisfaisantes à ces trois questions : Quels seraient les fruits de cette unité ? Quelles en sont les vraies limites ? Enfin par quels moyens pourrait-on la rétablir ?

Quant aux fruits de cette unité, outre qu’elle serait agréable à Dieu (ce qui doit être la fin dernière et le but de tous les buts), elle procurerait deux avantages principaux, dont l’un regarde ceux qui sont encore aujourd’hui hors de l’Église, et l’autre est propre à ceux qui se trouvent déjà dans son sein. À l’égard du premier de tous les scandales possibles, les plus grands et les plus manifestes sont sans contredit les schismes et les hérésies ; scandales pires que celui même qui naît de la corruption des mœurs : car il en est à cet égard du corps spirituel de l’Église comme du corps humain, où une blessure et une solution de continuité est souvent un mal plus dange-