« Une soif de souffrance et de renoncement
Seule m’a fait chercher la mauvaise amoureuse,
Vers qui mon âme épanche intarissablement
Comme une eau triste sa tendresse douloureuse.
« Autrefois, ô guerriers, une étrange langueur
Me glaçait au soleil des heureuses mêlées ;
Un dégoût surhumain se levait en mon cœur,
Et je pleurais d’ennui dans les villes brûlées.
« Et peut-être au matin des triomphes haineux
Rêvais-je seulement de mort expiatoire ;
J’étais l’aventurier morose et dédaigneux
Qui méprise la guerre à cause de la gloire.
« Voici que j’ai trouvé l’atroce paradis
Où des poisons sacrés corrompent les fontaines,
Et celle qui me garde en ces jardins maudits
Sait bien me déchirer avec ses mains hautaines.
« Elle a pris à mon bras, par un charme blessé,
L’anneau de fer forgé par les nains, et, rieuse,
Elle a jeté dans l’herbe immonde du fossé
L’étendard imprégné de brise glorieuse.
« J’aime mystiquement ses jeunes cruautés,
J’aime ses mains souillant ma pourpre solennelle ;
Agenouillé parmi les lys ensanglantés,
Je sens mon cœur princier s’anéantir en elle.
Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/121
Cette page a été validée par deux contributeurs.