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Ajoutez que les idées qui se dissipent ou qui s’éteignent, ne sont pas comme si elles n’avoient jamais été ; elles ne disparoissent pas en pure perte ; l’impression en reste dans l’Humanité, qui en vaut mieux seulement de les avoir eues, & qui leur doit une infinité d’idées qu’elle n’auroit pas eues sans elles.

Le plus stupide ou le plus borné de tous les Peuples d’aujourd’hui, l’est beaucoup moins que ne l’étoit le plus borné de tous les Peuples d’autrefois.

La disette d’esprit dans le monde connu, n’est nulle part à présent aussi grande qu’elle l’a été : ce n’est plus la même disette.

La Glace va plus loin. Par-tout où il y a des hommes bien où mal assemblés, quelqu’inconnus qu’ils soient au reste de la terre, ils se suffisent à eux-mêmes pour acquérir des idées ; ils en ont aujourd’hui plus qu’ils n’en avoient il y a deux mille ans ; l’esprit n’a pu demeurer chez eux dans le même état.

Comparez, si vous voulez, cet esprit à un infiniment petit, qui par un accroissement infiniment lent, perd toujours quelque chose de sa petitesse.

Enfin, je le répete encore, l’Humanité en gé-