Page:Œuvres complettes de M. de Marivaux, tome 12, 1781.djvu/81

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auroit suffi dans d’autres temps pour les rendre admirables.

N’imputez point à leurs Auteurs ce qu’il y reste de vicieux ; prenez-vous-en aux siècles barbares où ces grands esprits arriverent, & à la détestable éducation qu’ils y reçurent en fait d’Ouvrages d’esprit. Ils auroient été les premiers esprits d’un autre siècle, comme ils furent les premiers esprits du leur : il ne falloit pas pour cela qu’ils fussent plus forts ; il falloit seulement qu’ils fussent mieux placés.

Cicéron aussi mal élevé, aussi peu encouragé qu’eux, né comme eux dans un siècle grossier, où il n’auroit trouvé ni cette Tribune aux Harangues, ni ce Sénat, ni ces Assemblées du Peuple, devant qui il s’agissoit des plus grands intérêts du monde, ni enfin toute cette forme de Gouvernement qui soumettoit la fortune des Nations & des Rois au pouvoir & à l’autorité de l’éloquence, & qui déferoit les honneurs & les dignités à l’Orateur qui sçavoit le mieux parler ; Cicéron, privé des ressources que je viens de dire, ne s’en seroit pas mieux tiré que ceux dont il est ici question ; & quoiqu’infailliblement il eût été l’homme le plus éloquent de son temps, l’homme le plus éloquent de ce temps-là ne seroit pas au-