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nes ; mais je ne fais pas tant de façon avec eux qu’avec les partisans des Anciens, qui n’entendent pas raillerie sur cet article-ci : au-lieu que les autres, en leur qualité de Modernes & de gens moins favorisés, sont plus accommodants, & le prennent sur un ton moins fier.

J’avouerai pour-tant que la Glace n’est pas de l’avis des premiers sur le prétendu affoiblissement des esprits d’aujourd’hui.

Non, Monsieur, la Nature n’est pas sur son déclin : du moins ne ressemblons-nous gueres à des vieillards ; & la force de nos passions, de nos folies, & la médiocrité de nos connoissances, malgré les progrès qu’elles ont faits, devroient nous faire soupçonner que cette Nature est encore bien jeune en nous.

Quoi qu’il en soit, nous ne sçavons pas l’âge qu’elle a ; peut être n’en a-t-elle point, & le Miroir ne m’a rien appris là-dessus.

Mais ce que j’y ai remarqué, c’est que depuis les temps si renommés de Rome & d’Athènes il n’y a pas eu de siècle où il n’y ait eu d’aussi grands esprits qu’il en fut jamais, où il n’y ait eu d’aussi bonnes têtes que l’étoient celles de Cicéron, de Démosthene, de Virgile, de Sophocle, d’Euripide, d’Homere même, de cet homme