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dans son temps, fut extrêmement critiquée, & qu’on vantoit alors quelque ancienne beauté qu’on mettoit bien au-dessus d’elle, parce qu’on ne la voyoit plus, & qu’on voyoit Hélene. Je vous assûre que nous avons actuellement d’aussi belles femmes que les plus belles de l’antiquité ; mais fussent-elles des anges de leur sexe, (& je ris moi-même de ce que je vais dire) ce sont des anges qui ont le tort d’être visibles, & qui, dans notre opinion jalouse, ne sçauroient approcher des Beautés anciennes que nous ne fesions qu’imaginer, & que nous avons la malice ou la duperie de nous représenter comme des prodiges sans retour.

Revenons à Sophocle & à Euripide dont j’ai déjà parlé, & achevons d’en rapporter ce que le Miroir m’en a appris.

C’est qu’ils ont été pour le moins les Corneille, les Racine, les Crébillon & les Voltaire de leur temps, & qu’ils auroient été tout cela du nôtre ; de même que nos Modernes, à ce que je voyois aussi, auroient été à-peu-près les Sophocle & les Euripide du temps passé.

Je dis à-peu-près, car je ne veux blasphêmer dans l’esprit d’aucun amateur des Anciens. Il est vrai que ce n’est pas-là ménager les Moder-