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qu’ils ne pourroient plus entrer en comparaison avec eux-mêmes, à quelque sublimité d’esprit qu’ils s’élevâssent ; bien étourdis de se trouver de simples Modernes apparemment bons ou excellens, mais cependant des Poëtes médiocres auprès de l’Euripide, du Sophocle, du Virgile & de l’Homere d’autrefois, qui leur paroîtroient, suivant toute apparence, bien inférieurs à ce qu’ils seroient alors. Car comment, diroient-ils, ne serions-nous pas à présent plus habiles que nous ne l’étions ? Ce n’est pas la capacité qui nous manque ; on n’a rien changé à la tête excellente que nous avions, & qui fait dire à nos partisans qu’il n’y en a plus de pareilles. L’esprit humain dont nous avons aujourd’hui notre part, auroit-il baissé ? Au contraire, il doit être plus avancé que jamais : il y a si long-temps qu’il séjourne sur la terre, & qu’il y voyage, & qu’il s’y instruit ; il y a vu tant de choses, & il s’y est fortifié de tant d’expériences, diroient-ils… Vous riez, Monsieur, voilà pourtant ce qui leur arriveroit & ce qu’ils diroient. Je vous parle d’après la Glace, d’où je recueille tout ce que je vous dis-là.

Il ne faut pas croire que les plus grands hommes de l’Antiquité aient jouï dans leur temps de cette admiration que nous avons pour eux, & qui