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manquer leur coup, & l’on diroit qu’il manque le sien, quand il est content d’eux.

Au surplus, la Glace m’a convaincu d’une chose ; c’est que la Postérité, si nos grands hommes parviennent jusqu’à elle, ne sçaura, ni si bien, ni si exactement ce qu’ils valent, que nous le pouvons sçavoir aujourd’hui. Cette Postérité faite comme toutes les Postérités du monde, aura infailliblement les défaut de les trop louer, elle voudra qu’ils soient incomparables ; elle s’imaginera sentir qu’ils le sont, sans se douter que ce ne sera là qu’une malice de sa part, pour mortifier les illustres Modernes, & pour se dispenser de leur rendre justice. Or, je vous le demande, dans de pareilles dispositions, pourra-t-elle apprécier nos Modernes qui seront ses Anciens ? Le mérite imaginaire qu’elle voudra leur trouver, ne l’empêchera-t-il pas de discerner le mérite réel qu’ils auront ! Qui est-ce qui pourra démêler alors à quel dégré d’estime on s’arrêteroit pour eux, si on n’avoit pas envie de les estimer tant ? Au lieu qu’aujourd’hui je sçais à peu-près au juste la véritable opinion qu’on a d’eux ; & je suis sûr que je le sçais, car le Public me l’a dit.

Je pourrois m’y tromper, si je n’en croyois que la diversité des discours qu’il tient ; mais il