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excellent esprit qui le trahissoit quelquefois, on l’auroit pris pour un très-bel esprit : c’étoit comme un sage qui auroit très-bien contrefait le Petit Maître.

On dit que la premiere Tragédie, dont on ignoroit qu’il fût l’Auteur, passa d’abord pour être un Ouvrage posthume de Racine.

Dans ses Fables mêmes, qu’on a tant décriées, il y en a quelques-unes où il abuse tant de sa souplesse, que des gens d’esprit qui les avoient lues sans plaisir dans le Recueil, mais qui ne s’en ressouvenoient plus, & à qui un mauvais plaisant, quelque temps après, les récitoit comme de La Fontaine, les trouverent admirables, & crurent en effet que c’étoit La Fontaine qui les avoit faites. Voilà le plus souvent comme on juge, & cependant on croit juger. Car pourquoi leur avoient-elles paru mauvaises, la premiere fois qu’ils les avoient lues ? C’est que la mode étoit que l’Auteur ne réussît pas ; c’est qu’ils sçavoient alors que La Motte en étoit l’Auteur : c’est qu’à la tête du Livre ils avoient vu le nom d’un homme qui vouloit avoir trop de sortes de mérites à la fois, qui effectivement les auroit eus, si on n’avoit pas empêché le Public de s’y méprendre ; & qui même n’a pas laissé de les avoir à travers les con-