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de Rhadamiste m’inspiroit des passions terribles, il sondoit les profondeurs de mon âme ; & je pensois avec La Motte… Permettez-moi de m’arrêter un peu sur ce dernier.

C’étoit un excellent homme, quoiqu’il ait eu tant de contradicteurs : on l’a mis au-dessous de gens qui étoient bien au-dessous de lui, & le Miroir m’a appris d’où cela venoit en partie.

C’est qu’il étoit bon à tout, ce qui est un grand défaut ; il vaut mieux, avec les hommes, n’être bon qu’à quelque chose ; & La Motte avoit ce tort.

Qu’est-ce que c’est qu’un homme qui ne se contente pas d’être un des meilleurs esprits du monde en Prose, & qui veut encore faire des Opéra, des Tragédies, des Odes pindariques, anacréontiques, des Comédies même, & qui réussit en tout ce que je dis-là, qui plus est ? Cela est ridicule.

Il faut prendre un état dans la République des Lettres, & ce n’est pas y en avoir un que d’y faire le métier de tout le monde : aussi ses Critiques ont-ils habilement découvert que La Motte, avec toute sa capacité prétendue, n’étoit qu’un Philosophe adroit qui sçavoit se déguiser en ce qu’il vouloit être, au point que, sans son