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pensée en général ; car j’y vis toutes les façons possibles de penser & de sentir des hommes, avec la subdivision de tous les degrés d’esprit & de sentiment, de vices & de vertus, de courage & de foiblesse, de malice & de bonté, de vanité & de simplicité que nous pouvons avoir.

Enfin, tout ce que les hommes sont, tout ce qu’ils peuvent être, & tout ce qu’ils ont été, se trouvoit dans cet exemplaire des grandeurs & des miseres de l’âme humaine.

J’y vis, je ne sçais comment, tout ce qu’en fait d’ouvrages, l’esprit de l’homme avoit jusqu’ici produit ou rêvé ; c’est-à-dire, j’y vis depuis le plus mauvais Conte de Fée jusqu’aux Systêmes anciens & modernes le plus ingénieusement imaginés ; depuis le plus plat Écrivain jusqu’à l’Auteur des Mondes : c’étoit y trouver les deux extrémités. J’y remarquai l’obscure Philosophie d’Aristote ; &, malgré son obscurité, j’en admirai l’Auteur dont l’esprit n’a point eu d’autres bornes que celles que l’esprit humain avoit de son temps ; il me sembla même qu’il les avoit passées.

J’y observai l’incompréhensible & merveilleux tour d’imagination de ceux qui durant tant de siècles ont cru non seulement qu’Aristote avoit