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un mouvement perpétuel, & en même temps si rapide, qu’il me fut impossible de la considérer en face.

Ce qui est de certain, c’est que dans le mouvement qui l’agitoit, je la vis sous tant d’aspects, que je crus voir successivement passer toutes les physionomies du monde, sans pouvoir saisir la sienne, qui apparemment les contenoit toutes.

Ce que je démêlai le mieux, & ce que je ne perdis jamais de vûe, malgré son agitation continuelle, ce fut une espece de bandeau, ou de diadême, qui lui ceignoit le front, & sur lequel on voyoit écrit la Nature.

Ce bandeau étoit large, élevé, & comme partagé en deux miroirs éclatants, dans l’un desquels, on voyoit une représentation inexplicable de l’étendue en général, & de tous ses mysteres, je veux dire des vertus occultes de la matiere, de l’espace qu’elle occupe, du ressort qui la meut, de la divisibilité à l’infini ; en un mot de tous ses attributs dont nous ne connoissons qu’une partie.

L’autre miroir qui n’étoit séparé du premier que d’une ligne extrêmement déliée, représentoit un être encore plus indéfinissable.

C’étoit comme une image de l’âme ou de la