Page:Œuvres complettes de M. de Marivaux, tome 12, 1781.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais il n’est pas de l’espece de celui des autres : qu’en dites-vous ?

THÉOPHILE.

Que non-seulement ces jeunes-gens ne sçavent pas que tout est égal à cet égard, mais que des personnages très-graves & très-sensés l’oublient : je dis qu’ils l’oublient, car il est impossible qu’ils l’ignorent ; & si vous leur parlez de cette égalité, ils ne la nieront pas : mais ils ne la sçavent que pour en discourir, & non pas pour la croire ; ce n’est pour eux qu’un trait d’érudition, qu’une morale de conversation, & non pas une vérité d’usage.

THÉODOSE.

J’ai encore une question à vous faire ; ne dit-on pas souvent, en parlant d’un homme qu’on estime, c’est un homme qui se ressent de la noblesse de son sang ?

THÉOPHILE.

Oui ; il y a des gens qui s’imaginent qu’un sang transmis par un grand nombre d’ayeux nobles, qui ont été élevés dans la fierté de leur rang ; ils s’imaginent, dis-je, que ce sang, tout venu qu’il est d’une source commune, a acquis, en passant, de certaines impressions qui le distinguent d’un sang reçu de beaucoup d’ayeux d’une petite con-