Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tome 14 - Dialogue entre un prêtre et un moribond, 1973.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

que Moïse, et tous les trois pas mieux que Confucius, qui pourtant dicta quelques bons principes pendant que les trois autres déraisonnaient. Mais en général tous ces gens-là ne sont que des imposteurs, dont le philosophe s’est moqué, que la canaille a crus et que la justice aurait dû faire pendre.

LE PRÊTRE.

Hélas ! elle ne l’a que trop fait pour l’un des quatre.

LE MORIBOND.

C’est celui qui le méritait le mieux. Il était séditieux, turbulent, calomniateur, fourbe, libertin, grossier farceur et méchant dangereux, possédait l’art d’en imposer au peuple, et devenait par conséquent punissable dans un royaume en l’état où se trouvait alors celui de Jérusalem. Il a donc été très sage de s’en défaire, et c’est peut-être le seul cas où mes maximes, extrêmement douces et tolérantes d’ailleurs, puissent admettre la sévérité de Thémis. J’excuse toutes les erreurs, excepté celles qui peuvent devenir dangereuses dans le gouvernement où l’on vit ; les rois et leurs majestés sont les seules choses qui m’en imposent, les seules que je respecte, et qui n’aime pas son pays et son roi n’est pas digne de vivre.

LE PRÊTRE.

Mais enfin vous admettez bien quelque chose après cette vie ? Il est impossible que votre esprit ne se soit pas quelquefois plu à percer l’épaisseur des ténèbres du sort qui nous attend : et quel système peut l’avoir mieux satisfait que celui d’une multitude de peines pour celui qui vit mal et d’une éternité de récompenses pour celui qui vit bien ?

LE MORIBOND.

Quel, mon ami ? celui du néant. Jamais il ne m’a effrayé, et je n’y vois rien que de consolant et de simple ; tous les autres sont l’ouvrage de l’orgueil, celui-là seul l’est de la raison. D’ailleurs il n’est ni affreux ni absolu, ce néant. N’ai-je pas sous mes yeux l’exemple des générations et régénérations perpétuelles de la nature ? Rien ne périt, mon ami, rien ne 8e détruit dans le monde ; aujourd’hui homme,