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LE PRÊTRE.

Sur ce pied-là, il me paraît peu nécessaire de vous parler de religion.

LE MORIBOND.

Pourquoi pas ? Rien ne m’amuse comme la preuve de l’excès où les hommes ont pu porter sur ce point-là le fanatisme et l’imbécillité. Ce sont de ces espèces d’écarts si prodigieux, que le tableau, selon moi, quoique horrible, en est toujours intéressant. Réponds avec franchise, et surtout bannis l’égoïsme. Si j’étais assez faible que de me laisser surprendre à tes ridicules systèmes sur l’existence fabuleuse de l’être qui rend la religion nécessaire, sous quelle forme me conseillerais-tu de lui offrir un culte ? Voudrais-tu que j’adoptasse les rêveries de Confucius plutôt que les absurdités de Brahma ? adorerais-je le grand serpent des nègres, l’astre des Péruviens, ou le dieu des armées de Moïse ? à laquelle des sectes de Mahomet voudrais-tu que je me rendisse ? ou quelle hérésie de chrétiens serait selon toi préférable ? Prends garde à ta réponse.

LE PRÊTRE.

Peut-elle être douteuse ?

LE MORIBOND.

La voilà donc égoïste.

LE PRÊTRE.

Non, c’est t’aimer autant que moi que de te conseiller ce que je crois.

LE MORIBOND.

Et c’est nous aimer bien peu tous deux que d’écouter de pareilles erreurs.

LE PRÊTRE.

Eh ! qui peut s’aveugler sur les miracles de notre divin rédempteur ?

LE MORIBOND.

Celui qui ne voit en lui que le plus ordinaire de tous les fourbes et le plus plat de tous les imposteurs.