Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/89

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vraient être saisis d’effroi devant vous ; mais, malgré de si justes motifs pour garder le silence, mon courage me fait une loi d’attaquer encore la puissance de cette faction : non, je n’hésiterai point à user de cette liberté que j’ai reçue de mes ancêtres : le ferai-je inutilement ou avec fruit ? cela dépend de vous seuls, ô mes concitoyens ! Je ne vous exhorte point à imiter l’exemple si souvent donné par vos pères, de repousser l’injustice les armes à la main ; il n’est ici besoin ni de violence ni de scission (16) : il suffit de leur infâme conduite pour précipiter la ruine de vos adversaires.

« Après l’assassinat de Tiberius Gracchus, qui, disaient-ils, aspirait à la royauté, le peuple romain se vit en butte à leurs rigoureuses enquêtes. De même, après le meurtre de Caïus Gracchus et de Marcus Fulvius, combien de gens de votre ordre n’a-t-on pas fait mourir en prison ! A l’une et à l’autre époque, ce ne fut pas la loi, mais leur caprice seul qui mit fin aux massacres. Au surplus, j’y consens : rendre au peuple ses droits, c’est aspirer à la royauté, et je tiens pour légitime tout ce qui ne pourrait être vengé sans faire couler le sang des citoyens.

Dans ces dernières années, vous gémissiez en secret de la dilapidation du trésor public, et de voir les rois et des peuples libres, tributaires de quelques nobles, de ceux-là qui seuls sont en possession de l’éclat des hautes dignités et des grandes richesses. Cependant c’était trop peu pour eux de pouvoir impunément commettre de tels attentats. Ils ont fini par livrer aux ennemis de l’État vos lois, la dignité de votre empire, et tout ce qu’il y a de sacré aux yeux des dieux et des hommes. Après ces nouveaux crimes, éprouvent-ils quelque honte,