Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
SALLUSTE.

vaincu, et du champ de bataille il se réfugia dans la province romaine, d’où il prit le chemin de Rome.

Cependant Jugurtha, après l’entier accomplissement de ses desseins et la conquête de toute la Numidie, réfléchissant à loisir sur son crime, commence à craindre le peuple romain, et, pour fléchir ce juge redoutable, il n’a d’espoir que dans ses trésors et dans la cupidité de la noblesse. Il envoie donc à Rome, peu de jours après, des ambassadeurs avec beaucoup d’or et d’argent, et leur prescrit de combler de présents ses anciens amis, de lui en acquérir de nouveaux, enfin, de ne point hésiter à acheter par leurs largesses tous ceux qu’ils y trouveraient accessibles. Arrivés à Rome, les ambassadeurs, suivant les instructions de leur maître, envoient des dons magnifiques à ceux qui lui sont unis par les liens de l’hospitalité, ainsi qu’aux sénateurs les plus influents. Tout change alors ; l’indignation violente de la noblesse fait place aux plus bienveillantes, aux plus favorables dispositions. Gagnés, les uns par des présents, les autres par des espérances, ils circonviennent chacun des membres du sénat, pour empêcher qu’on ne prenne une résolution trop sévère contre Jugurtha. Dès que les ambassadeurs se crurent assurés du succès, au jour fixé, les deux parties sont admises devant le sénat. Alors Adherbal prit, dit-on, la parole en ces termes :

XIV. « Sénateurs, Micipsa, mon père, me prescrivit en mourant de considérer la couronne de Numidie comme un pouvoir qui m’était délégué, et dont vous aviez la disposition souveraine : il m’ordonna de servir le peuple romain de tous mes efforts, tant en paix qu’en guerre, et de vous regarder comme