Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

misère et de la désolation de tes concitoyens, puisque, dans ta patrie, tu n’as rien qui ne soit le fruit de la violence ou de la rapine ! Tu demandes un second consulat, comme si tu t’étais démis du premier ; tu veux la concorde, et ce sont tes armes qui la détruisent ! Traître envers nous, sans foi pour tes complices, tu es l’ennemi de tous les gens de bien ; comme tu te joues et des hommes et des dieux que tu as offensés, les uns par ta perfidie, les autres par tes parjures ! Eh bien ! puisque tel est ton caractère, persévère dans tes desseins, reste en armes, je t’y exhorte ; du moins, ton humeur inquiète, en suspendant tes entreprises séditieuses, ne nous tiendra pas en d’éternelles perplexités. Nos provinces, nos lois, nos dieux pénates, ne verront plus en toi qu’un citoyen. Achève comme tu as commencé, afin de trouver plus promptement le prix que tu as mérité.

VII. Et vous, sénateurs, jusques à quand, laisserez-vous par vus retardements la république sans défense, et n’opposerez-vous aux armes que des paroles ? Des troupes sont levées contre vous ; les caisses publiques et particulières ont été mises à contribution ; on a mis, on a déplacé des garnisons ; on vous impose arbitrairement des lois ; et vous vous contentez de voter des députations et des décrets ! Eh ! ne voyez-vous pas que, plus vous demanderez la paix avec instance, plus il poussera la guerre avec vigueur, convaincu qu’il sera que c’est votre défaut d’énergie, et non la justice de sa cause, qui fait toute sa force. Tel allègue son horreur des troubles et de la guerre civile, et veut qu’en présence de Lepidus en armes vous restiez désarmés, qui prétend sans doute aussi que vous vous soumettiez d’avance au sort des vaincus, quand vous pourriez le faire subir ; vous parler ainsi de paix, c’est lui conseiller la guerre contre vous.

Si un tel conseil vous agrée, si vous portez l’apathie au point qu’oubliant les crimes de Cinna, dont le retour à Rome fut marqué par l’avilissement