Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/379

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donnés ou vendus comme le butin pris sur les Cimbres.

Mais je possède aussi des biens de proscrits ! Oui, et c’est là le plus grand de ses crimes, qu’il n’y ait eu, ni pour moi, ni pour personne, de sûreté à rester fidèle à la justice. Mais ce qu’alors j’ai acheté par crainte, ce dont j’ai versé le prix, j’offre de le rendre aux légitimes propriétaires : mon intention est de ne pas souffrir que personne soit riche de la dépouille de ses concitoyens.

VI. C’en est bien assez d’avoir supporté les effets inévitables de nos fureurs, d’avoir vu les armées romaines en venir entre elles aux mains, d’avoir tourné contre nous-mêmes les armes que nous aurions dû diriger contre l’étranger. Mettons un terme aux crimes, à tous ces honteux égarements. Mais lui, loin de se repentir, il les compte au nombre de ses titres de gloire, et, si l’on n’y mettait ordre, il recommencerait avec encore plus d’emportement.

Et déjà je ne suis plus en doute de ce que vous pensez de lui, mais bien du parti que vous oserez prendre : je crains qu’en vous attendant les uns les autres pour mettre la main à l’œuvre vous ne soyez victimes, je ne dis pas de sa puissance (elle n’a plus ni réalité ni consistance), mais de votre inaction ; il vous préviendra, et fera ainsi voir au monde qu’il a autant de bonheur que d’audace.

En effet, à l’exception de quelques satellites déshonorés, qui donc est satisfait du présent ? ou bien, qui ne désire voir tout changer, si l’on n’abuse pas de la victoire ? Seraient-ce les soldats dont le sang a coulé pour enrichir un Tarrula, un Scyrrus, les plus détestables des esclaves ? Sont-ce des citoyens auxquels on a préféré, pour les magistratures, un Fusidius, l’opprobre de son sexe et des dignités qu’il dégrade ?

VII. Je place donc toute ma confiance dans une armée victorieuse, qui, pour prix de tant de blessures et de travaux, n’a obtenu qu’un tyran. A moins peut-être que nos soldats ne se soient levés en masse que pour ren-