Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/351

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actions houleuses, à tolérer les délits, pour acheter la satisfaction du moment au prix d’un malheur prochain.

VII. Mon esprit se rassure, je l’avoue, par le motif même qui effraye les autres : je veux dire par la grandeur de la tâche qui vous est confiée, le soin de pacifier à la fois et les terres et les mers. Un génie tel que le vôtre est peu fait pour descendre à de minces détails : les grands succès sont pour les grands travaux.

Il vous faut donc pourvoir à ce que le peuple, que corrompent les largesses (38) et les distributions de blé, ait des travaux qui l’occupent et qui le détournent de faire le malheur public ; il faut que la jeunesse prenne le goût du devoir et de l’activité, et non des folles dépenses et des richesses. Ce but sera atteint si vous faites perdre à l’argent, le plus dangereux des fléaux, ses applications et son influence.

Souvent, en effet, en réfléchissant sur les moyens par lesquels les hommes les plus illustres avaient fondé leur élévation, en recherchant comment les peuples et les nations s’étaient agrandis par la capacité des chefs, quelle cause enfin avait amené la chute des royaumes et des empires les plus puissants, j’ai constamment reconnu les mêmes vices et les mêmes vertus : chez les vainqueurs, le mépris des richesses ; chez les vaincus, la cupidité. Il est impossible, en effet, de s’élever à rien de grand, et un mortel ne peut approcher des dieux, s’il ne fait taire la cupidité et les appétits des sens, et ne condescend aux affections de l’âme, non pour la flatter, pour lui céder en tous ses désirs et pour l’amollir par une fatale indulgence ; mais