Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/345

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Et cela est encore plus vrai de vous, César, qui avez tellement surpassé les autres hommes, qu’on se lasse plus tôt de louer vos actions que vous d’en faire qui soient dignes d’éloges. Mais, comme les ouvrages de l’art, les biens conquis par la vertu doivent être conservés avec le plus grand soin, de peur que la négligence n’en laisse ternir l’éclat, ou n’en précipite la ruine. En effet, qui volontairement cède à un autre l’autorité ? et, quelle que soit la bonté, la clémence de celui qui a le pouvoir, on le redoute cependant, parce qu’il peut, s’il le veut, être méchant. Cela vient de ce que la plupart des hommes revêtus de la puissance en usent mal, et pensent qu’elle sera d’autant plus assurée, que ceux qui leur sont soumis seront plus corrompus (26).

Mais vous devez, au contraire, puisque chez vous la bonté s’allie à la fermeté, faire en sorte de n’avoir à commander qu’aux hommes les plus vertueux : car pire on est, et plus impatiemment souffre-t-on un chef.

Mais il vous est plus difficile qu’à aucun de ceux qui vous ont précédé de régler l’usage que vous avez à faire de votre victoire. La guerre avec vous a été plus douce que la paix avec eux : d’un autre côté, les vainqueurs veulent des dépouilles, et les vaincus sont des citoyens. C’est entre ces deux écueils qu’il vous faut naviguer, et assurer pour l’avenir le repos de la république, non seulement par la force des armes, qui la protégera contre ses ennemis, mais, ce qui est bien plus important, bien plus difficile, par des institutions, heureux fruits de la paix.

Cet état de choses semble appeler tous les citoyens, quel que