Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/337

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près la loi du sort, le riche et le pauvre prononcent également sur les plus grandes et sur les moindres affaires. Quant à l’élection des magistrats, ce n’est pas sans raison que j’approuve la loi promulguée par C. Gracchus dans son tribunat, pour que les centuries fussent prises, d’après le sort, dans les cinq classes sans distinction. Devenus ainsi égaux en honneur (17) et en fortune, ce sera par le mérite que les citoyens s’empresseront de se surpasser l’un l’autre.

VIII. Voilà les remèdes puissants que j’oppose aux richesses : car, aussi bien que toute autre chose, on ne les loue ; on ne les recherche que pour leur utilité : ce sont les récompenses qui mettent en jeu la perversité. Otez-les, personne absolument ne veut faire le mal sans profit. Au surplus, l’avarice, ce monstre farouche, dévorant, ne saurait être tolérée : partout où elle se montre, elle dévaste les villes et les campagnes, les temples et les maisons ; elle foule aux pieds le sacré et le profane ; point d’armées, point de murailles, où elle ne pénètre par sa seule puissance ; réputation, pudeur, enfants, patrie, famille, elle ne laisse rien aux mortels. Mais, faites tomber le crédit de l’argent, les bonnes mœurs triompheront sans peine de toute cette grande influence de la cupidité.

Ces vérités sont reconnues par tous les hommes, justes ou pervers ; vous n’aurez cependant pas de médiocres combats à soutenir contre la faction de la noblesse ; mais, si vous vous garantissez de leurs artifices, tout le reste vous sera facile : car, s’ils avaient un mérite réel, ils se montreraient les émules des gens de bien plutôt que leurs détracteurs ; mais c’est parce que