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SALLUSTE.

et la désolation. Mais, au nom des dieux immortels, à quoi tendaient ces discours ? À vous faire détester la conjuration ? Sans doute, celui qu’un attentat si grand et si atroce n’a pu émouvoir, un discours va l’enflammer ! Il n’en est pas ainsi : jamais les hommes ne trouvent légères leurs injures personnelles ; beaucoup les ressentent trop vivement. Mais, sénateurs, à tous n’est pas donnée la même liberté. Ceux qui, dans une humble condition, passent obscurément leur vie peuvent faillir par emportement : peu de gens le savent ; chez ceux-là, renommée et fortune sont égales. Mais ceux qui, revêtus d’un grand pouvoir, vivent en spectacle aux autres, ne font rien dont tout le monde ne soit instruit (108). Ainsi, plus est haute la fortune et plus grande est la contrainte (109) : alors la partialité, la haine, mais surtout la colère, ne sont point permises. Ce qui chez les autres se nomme emportement, on l’appelle, chez les hommes du pouvoir, orgueil et cruauté.

Pour vous exprimer mon opinion, sénateurs, toutes les tortures n’égaleront jamais les forfaits des conjurés. Mais, chez la plupart des mortels, ce sont les dernières impressions qui restent : or, des plus grands scélérats on oublie le crime, et l’on ne parle que du châtiment, pour peu qu’il ait été trop sévère.

Ce qu’a dit D. Silanus, homme ferme et courageux, il l’a dit, je le sais, par zèle pour la république, et, dans une affaire si grave, ni l’affection ni la haine n’ont eu sur lui aucune influence. Je connais trop la sagesse et la modération de cet illustre citoyen. Toutefois son avis me paraît, je ne dis pas