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CONJURATION DE CATILINA

la république de Rhodes (106), puissante et glorieuse, qui devait sa grandeur à l’appui du peuple romain, se montra déloyale et hostile envers nous. Mais lorsque, la guerre terminée, on délibéra sur le sort des Rhodiens, nos ancêtres, pour qu’il ne fût pas dit que les richesses de ce peuple, plutôt que ses torts, avaient donné lieu à la guerre, les laissèrent impunis. De même, dans toutes les guerres puniques, bien que les Carthaginois eussent souvent, soit pendant la paix, soit pendant les trêves, commis d’atroces perfidies, nos pères n’en prirent jamais occasion de les imiter, plus occupés du soin de leur dignité (107) que d’obtenir de justes représailles.

Et vous aussi, sénateurs, vous devez prendre garde que le crime de P. Lentulus et de ses complices n’ait plus de pouvoir sur vous que le sentiment de votre dignité : et l’on ne vous verra pas consulter votre colère plutôt que votre gloire. En effet, si un supplice digne de leur forfait peut s’inventer, j’approuve la mesure nouvelle que l’on propose : si, au contraire, la grandeur du crime surpasse tout ce qu’on peut imaginer, je pense qu’il faut s’en tenir à ce qui a été prévu par les lois. La plupart de ceux qui ont énoncé avant moi leur opinion ont, avec art, et en termes pompeux, déploré le malheur de la république : ils ont énuméré les horreurs que la guerre doit entraîner et les maux réservés aux vaincus ; le rapt des jeunes filles et des jeunes garçons ; les enfants arrachés des bras de leurs parents ; les mères de famille forcées de subir les caprices du vainqueur ; le pillage des temples et des maisons, le carnage, l’incendie ; partout enfin les armes les cadavres, le sang