Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/27

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ce que nous cherchons, ce que nous croyons avoir créé, les anciens l’avaient bien un peu rencontré et connu ; le mot, si je ne me trompe, est plus nouveau que la chose. Que sont, en effet, les harangues dans les historiens de Rome et d’Athènes ? Est-ce simplement une occasion et un exercice d’éloquence, de vaines et oiseuses pièces de rhétorique qui se pussent sans inconvénient retrancher ou ajouter, des morceaux de rapport nullement nécessaires à l’harmonie et au jeu de l’ensemble, au développement des caractères, à l’exposition des événements, à la gradation de l’intérêt historique ? Si c’étaient là, en effet, la nature et la condition des harangues, elles ne serment pas seulement un hors-d’œuvre frivole, un accessoire déplacé, elles seraient un embarras et un grave défaut. Heureusement il n’en va pas ainsi. Les harangues dans les historiens sont, pour ainsi parler, la maîtresse pièce de leurs ouvrages ; elles préparent, développent et résument tour à tour le sens des événements et le caractère des personnages ; elles montrent les mobiles divers qui les font agir et tous les secrets ressorts des révolutions politiques. « Toutes ces harangues que se sont permises les historiens anciens ne peuvent-elles pas être considérées, à la forme près, comme de véritables digressions raisonnées, comme des développements d’observations qu’ils n’ont pas craint de répandre dans leurs histoires, qu’ils en ont même regardées comme des parties essentielles et qui en forment à la fois les points les plus lumineux et les plus beaux ornements [1] ? » Les réflexions que l’historien n’a point mises dans le cours de la narration, qu’elles eussent interrompue, ou qu’il n’y a que discrètement répandues, pour n’en point ralentir ou suspendre la marche, il les presse ici, les condense, les rapproche pour en faire jaillir la lumière sur les faits qui, sans elles, resteraient obscurs.

  1. Dussault, Annales littéraires, n° 3, p. 504.