Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/25

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qu’il pensait ! Ce fut en effet le caractère de Salluste de conserver au milieu de l’amour des plaisirs le goût de l’étude, et les vives clartés de l’intelligence dans la corruption du cœur. Salluste ne se ment point à lui-même et ne cherche pas à mentir à la postérité. C’est dans le silence de l’étude, dans le calme de la retraite, dans la satiété des plaisirs et le vide qu’ils laissent dans l’âme, que, seul avec lui-même, dans un de ces dégoûts qu’amènent l’age et la réflexion, Salluste, dans un monologue mélancolique auquel il admet le lecteur, fait, involontairement plutôt que par artifice, cet aveu qu’au-dessus des richesses, au-dessus des jouissances du corps, il y a quelque chose de supérieur et d’immortel, l’intelligence et la vertu. Pourrions-nous lui en savoir mauvais gré ? Pourquoi ne croirions nous pas à sa sincérité, sinon à la sincérité de l’homme, du moins à celle de l’artiste, qui dans sa facilite d’émotion pense ce qu’il écrit, au moment du moins ou il l’écrit ? Séparez ce morceau de l’ouvrage ; regardez-le comme une page détachée des mémoires de Salluste, et non comme la première de Jugurtha, ce sera peut-être encore une faute, mais une faute heureuse.

Apres les deux préfaces du Catilina et du Jugurtha, ce que la critique, et la critique ancienne surtout a blâmé dans Salluste, ce sont les harangues. Selon Sénèque le rhéteur, si on les lit, c’est uniquement en faveur de ses histoires [1]. Avant lui, un grammairien, Cassius Severus, avait avancé qu’il en était des harangues de Salluste comme des vers de Cicéron ou de la prose de Virgile [2] ; enfin Quintilien semble se ranger à cet avis, en conseillant aux orateurs de ne pas imiter la brièveté de Salluste [3]. J’avoue que les habitudes

  1. Orationes Sallustii in honorem historiarum leguntur. (Seneca, rhetor, Declam., lib. III.)
  2. Cassius Severus, Apud fabric. Bib. Lat. Lib. II, c. XVI.
  3. Liv. IV, c. V ; X, c. I.