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SALLUSTE.

XVI. Quant à cette jeunesse qu’il avait su gagner par ses séductions, comme je viens de le dire, il avait mille manières de la former au crime. De quelques-uns il disposait comme faussaires et faux témoins : honneur, fortune, périls, ils devaient tout sacrifier, tout mépriser. Puis, quand il les avait perdus de réputation et avilis, il leur commandait des crimes plus importants. Manquait-il dans le moment de prétexte pour faire le mal, il leur faisait surprendre, égorger comme des ennemis ceux dont il n’avait point à se plaindre ; ainsi, de peur que l’inaction n’engourdît leur bras ou leur cœur, il aimait mieux être méchant et cruel sans nécessité. Comptant sur de tels amis, sur de tels associés, alors que par tout l’empire les citoyens étaient écrasés de dettes, et que les soldats de Sylla, la plupart ruinés par leurs profusions, encore pleins du souvenir de leurs rapines et de leur ancienne victoire, ne désiraient que la guerre civile, Catilina forma le projet d’asservir la république. D’armée, point en Italie : Cn. Pompée (35) faisait la guerre aux extrémités de la terre : pour Catilina enfin, grand espoir de briguer le consulat (36) : le sénat sans défiance ; partout une tranquillité, une sécurité entières : toutes circonstances singulièrement favorables à Catilina.

XVII. Ce fut donc vers les calendes de juin, sous le consulat de L. César et de C. Figulus, qu’il commença à s’ouvrir séparément à chacun de ses amis : encourageant les uns, sondant les autres ; leur montrant ses moyens, la république sans défense, et les grands avantages attachés au succès de la conjuration. Dès qu’il s’est suffisamment assuré des dispositions de chacun, il réunit en assemblée tous ceux qui étaient les plus