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SALLUSTE.

comme des femmes, et les femmes affichaient leur impudicité. Pour leur table, ils mettaient à contribution toutes les terres et toutes les mers (29), ils dormaient sans besoin de sommeil, n’attendant pas la faim, la soif, la lassitude, en un mot en prévenant tous les besoins. Après avoir, en ces débordements, consumé son patrimoine, la jeunesse se précipitait dans le crime. Une fois imbue de ces habitudes perverses, l’âme se passait difficilement de ces vaines fantaisies ; de là une ardeur immodérée pour rechercher tous les moyens d’acquérir et de dépenser.

XIV. Au sein d’une ville si grande et si corrompue, Catilina (et rien n’était plus naturel) vit se grouper autour de lui tous les vices et tous les crimes : c’était là son cortége. Le libertin, l’adultère qui, par l’ivrognerie, le jeu, la table, la débauche, avait dissipé son patrimoine ; tout homme qui s’était abîmé de dettes pour se racheter d’une bassesse ou d’un crime ; en un mot, tout ce qu’il pouvait y avoir dans la république de parricides, de sacriléges, de repris de justice, ou qui, pour leurs méfaits, redoutaient ses sentences ; comme aussi ceux dont la main et la langue parjure, exercées au meurtre des citoyens, soutenaient l’existence ; tous ceux enfin que tourmentaient l’infamie, la misère ou le remords (30), c’étaient là les compagnons, les familiers de Catilina. Et, si quelqu’un, encore pur de crime, avait le malheur de se lier avec lui d’amitié, entraîné par la séduction de son commerce journalier, il ne tardait pas à devenir en tout semblable aux autres. Mais c’était surtout des jeunes gens que Catilina recherchait l’intimité (31) : ces âmes tendres et flexibles à cette époque de la vie se laissaient