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CONJURATION DE CATILINA

XII. Dès que les richesses eurent commencé à être honorées, et qu’à leur suite vinrent distinctions, dignités, pouvoir, la vertu perdit son influence, la pauvreté devint un opprobre, et l’antique simplicité fut regardée comme une affectation malveillante. Par les richesses on a vu se répandre parmi notre jeunesse, avec l’orgueil, la débauche et la cupidité ; puis les rapines, les profusions, la prodigalité de son patrimoine, la convoitise de la fortune d’autrui, l’entier mépris de l’honneur, de la pudicité, des choses divines et humaines, des bienséances et de la modération. C’est chose curieuse, après avoir vu construites, à Rome et dans nos campagnes, ces maisons qu’on prendrait pour des villes, d’aller visiter ensuite les temples érigés aux dieux par nos pères, les plus religieux des mortels !

Mais leur piété faisait l’ornement des temples, et leur gloire celui de leurs demeures : ils n’enlevaient aux ennemis que le pouvoir de nuire ; mais les Romains d’aujourd’hui, les plus lâches des hommes, mettent le comble à leurs attentats en enlevant à des alliés ce qu’après la victoire nos braves ancêtres avaient laissé à des ennemis : on dirait que commettre l’injustice est pour eux le véritable usage de la puissance.

XIII. Pourquoi rappellerais-je ici des choses incroyables pour quiconque ne les a pas vues : des montagnes aplanies, des mers couvertes de constructions (28) par maints particuliers ? Ces gens-là me semblent s’être joués de leurs trésors ; car, pouvant en jouir avec sagesse, ils se dépêchaient d’en faire un honteux abus. Dans leurs débauches, dans leurs festins, dans toutes leurs dépenses, mêmes dérèglements. Les hommes se prostituaient