Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/148

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soient aussi de mes travaux, de mon intégrité, de mes périls : car c’est à ce prix que je l’ai acquise. Mais, aveuglés par l’orgueil, ils se conduisent comme s’ils dédaignaient les honneurs que vous dispensez, et ils les sollicitent comme s’ils les avaient mérités parleur conduite. Certes, ils s’abusent d’une étrange manière, de vouloir réunir en eux des choses si incompatibles : les lâches douceurs de l’indolence et les récompenses de la vertu. Lorsque, dans vos assemblées ou dans le sénat, ils prennent la parole, leurs discours ne roulent que sur l’éloge de leurs ancêtres : en rappelant les belles actions de ces grands hommes, ils pensent se donner à eux-mêmes du relief. Loin de là ; plus la vie des uns eut d’éclat, plus la lâcheté des autres est dégradante. Et c’est une vérité incontestable : la gloire des ancêtres est comme un flambeau (105) qui ne permet point que les vertus ni les vices de leurs descendants restent dans l’obscurité.

« Pour moi, Romains, je suis dépourvu de cet avantage ; mais, ce qui est beaucoup plus glorieux, il m’est permis de parler de mes exploits. Maintenant voyez quelle est leur injustice ! Ils se font un titre d’une vertu qui n’est pas la leur, et ils ne veulent pas que je m’en fasse un de la mienne ; sans doute, parce que je n’ai point d’aïeux, parce que ma noblesse commence à moi, comme s’il ne valait pas mieux en être soi-même l’auteur, que de dégrader celle qui vous est transmise.

« Certes, je n’ignore pas que, s’ils veulent me répondre, ils ne manqueront point de phrases élégantes et habilement tournées ; mais, comme à l’occasion de l’éclatant bienfait que j’ai